Responsabilité pénale du travailleur

Le salarié dispose d’une immunité partielle en matière de responsabilité civile. Qu’en est-il sur le plan de la responsabilité pénale ?

Rappel des grands principes.

 LA RESPONSABILITE CIVILE

Elle repose sur des articles du Code civil et découle de l’obligation de réparer tout dommage causé à autrui.

En observant le rapport existant entre l’auteur du dommage et la victime, on peut classer la responsabilité civile en 2 catégories :

La responsabilité civile extracontractuelle.  En se garant, le chauffeur d’une voiture griffe le véhicule du tiers garé le long de la chaussée. Il n’existe aucun lien, aucun contrat préalable entre les deux parties.
Distinguons deux cas via deux exemples :

A –  Sur le chemin du travail, le travailleur en retard et pressé descend du bus trop rapidement. Il renverse accidentellement un piéton qui tombe et se blesse.

L’obligation de réparation pèse uniquement sur les épaules du travailleur, auteur du dommage. La responsabilité est dite simple et repose sur les articles 1382 et 1383 du Code civil.

B – Lors d’une animation sportive, un professeur de gymnastique propose à des enfants un exercice inadapté qui entraîne un accident. La responsabilité de l’enseignant est retenue. L’obligation de réparation pèse sur l’employeur qui n’est pas l’auteur du dommage mais en est légalement le répondant. La responsabilité est dite complexe et s’appuie sur l’article 1384 du Code civil.  Cet article précise que les parents sont responsables du dommage occasionné par leurs enfants mineurs, de même que l’enseignant qui a autorité et devoir de surveillance sur ses élèves ou que l’employeur civilement responsable des conséquences des fautes de ses travailleurs.

La responsabilité civile contractuelle. En effectuant une réparation, le chauffagiste casse le système de régulation de la chaudière.  Il existe un contrat préalable entre les parties et la responsabilité contractuelle découle de la mauvaise exécution, de l’inexécution ou de l’exécution tardive d’une obligation, même implicite, prévue au contrat. La victime est co-contractante.

Exemples :

Contrat de location d’un immeuble. Le locataire a l’obligation de restituer le bien loué qui lui a été confié. Le propriétaire, co-contractant, est la victime des dommages occasionnés par le locataire.

Une erreur médicale entraîne des complications pour le patient. Il existe un contrat implicite entre le médecin et son patient ainsi qu’une obligation de moyens.

L’article 18 de la loi sur le contrat de travail.

Quelle est la responsabilité de l’employeur vis-à-vis des tiers en cas de faute commise par le travailleur dans l’exercice de sa fonction professionnelle ?

Lorsque le travailleur commet une faute vis-à-vis d’un tiers et que celle-ci occasionne un dommage, l’employeur doit répondre envers la victime de toutes les conséquences civile de la faute de son préposé. L’article 1384 al.3 du Code civil, rappelé en introduction, précise que l’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par des personnes dont on doit répondre… Les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont  employés… 

La victime doit prouver :

  • Une faute,  même la plus légère, du travailleur.
  • Un dommage ou préjudice subi.
  • Un lien de cause à effet entre la faute et le dommage.

Les 2 conditions suivantes doivent être conjointement réunies :

  • Le travailleur est placé dans un lien de subordination à l’égard de l’employeur qui exerce ou peut potentiellement exercer son autorité et sa surveillance sur son préposé salarié.
  • La faute est commise dans les fonctions du travailleur et est en relation étroite avec l’exécution du travail.

Lorsque ces conditions sont réunies, la responsabilité de l’employeur est présumée sans qu’il puisse s’exonérer. Il ne peut échapper à sa responsabilité qu’en démontrant un abus de fonction de son préposé.  Pour récupérer les indemnités payées à la victime auprès du travailleur, l’employeur devra prouver :

  • Une faute intentionnelle (dol) : vol, destruction volontaire, coups et blessures volontaires…
  • Une faute lourde : grossière et lourde à un point tel qu’elle devient inexcusable.
  • Une faute légère habituelle qui traduit la négligence et la désinvolture répétées. Il  ne s’agit pas nécessairement d’une même faute mais d’une propension à commettre des fautes répétées. Par exemple des fautes régulières de nature comptable mettant en péril l’octroi des subsides de l’association.

L’employeur pourra récupérer ses débours (dommages et intérêts) et indemnités payées à la victime en les imputant sur le salaire de l’employé fautif, mais en respectant la loi de 1965 sur la protection de la rémunération des travailleurs et, après accord convenu avec le travailleur ou, fixé par le juge du tribunal du travail. Il dispose d’un délai de prescription de 5 ans à partir des faits sans excéder un an à partir de la fin du contrat.

A contrario, le travailleur est exonéré des conséquences de sa faute légère occasionnelle tant vis-à-vis de l’employeur que de la victime. Cette immunité partielle répond aux exigences de l’article 18 de la loi sur le contrat de travail. Ce régime a été étendu aux collaborateurs bénévoles.

L’article 18 ne vise que la faute commise dans l’exécution du contrat de travail. Les dommages causés sur le chemin du travail ne résultent pas d’une faute professionnelle et ne sont pas visés. Le travailleur devra donc en assumer toutes les conséquences civiles à titre privé.

LA RESPONSABILITE PENALE

Cette immunité partielle en matière de responsabilité civile ne concerne pas la responsabilité pénale du travailleur.  Ce dernier reste passible de sanctions pénales s’il commet une infraction.

Le droit pénal détermine et répertorie les actes socialement réprouvés et y associe des peines et procédures en cas de transgression.  Le travailleur peut donc commettre des infractions à un grand nombre de dispositions  qui relève tantôt du droit pénal commun, tantôt du droit pénal spécial qui est régi par des lois spéciales. Divers secteurs du droit prévoient des sanctions pénales.  Par exemple le droit social, le bien-être et la sécurité au travail, le droit fiscal, le droit pénal des affaires ou des associations, les infractions de roulage, la maltraitance intrafamiliale ou en institution etc.

Droit pénal commun.

Exemple : un accident du travail grave  provoqué volontairement ou involontairement.  Selon le cas, les auteurs peuvent être poursuivis sur base de l’homicide ou encore des coups et blessures involontaires.

Droit pénal « spécial ».

Exemple : l’accident résulte d’un manquement aux prescriptions de sécurité relatives au bien-être au travail. Le législateur condamne en cascade l’employeur et ses préposés ou seulement le ou les préposés en cas de délégation de l’application de la loi sociale. En conséquence, le salarié investi d’une fonction, qui dispose du pouvoir de faire respecter la loi et de mettre un terme à la situation infractionnelle sera condamné sur base du droit pénal social.

Pendant l’exécution de son contrat, le travailleur qui se déplace avec le véhicule appartenant à l’association et commet une infraction de roulage, devra assumer le paiement des amendes.  L’employeur restera toutefois civilement responsable des dommages et intérêts à verser à l’éventuelle victime du sinistre automobile en vertu de l’article 18 de la Loi sur le contrat de travail et du régime d’immunité partielle.  Il pourra invoquer la faute lourde en cas de manquement grave (par exemple conduite en état d’ébriété à l’origine de l’accident) pour récupérer ses débours. Son assureur qui aura indemnisé la victime exercera son droit subrogatoire.

L’article 67 du Code de la route rend l’employeur solidairement responsable du paiement des amendes de roulage.  L’employeur qui aurait payé l’amende pénale  pourra en récupérer le montant auprès du travailleur responsable.

En conclusion, le travailleur reste responsable sur le plan pénal, il ne pourra invoquer l’article 18 de la loi sur le contrat de travail ni faire valoir que la faute a été commise pendant l’exécution du contrat. Il assumera donc les condamnations pénales éventuelles, amendes ou peines de prison.

Le travailleur peut toujours refusé d’obtempérer aux directives de ses supérieurs hiérarchiques et invoquer valablement l’exception d’inexécution (art 1184 du CC) si les conditions de sécurité ou de respect des obligations légales ne sont pas respectées par l’employeur. 

Quelques exemples.

Un comptable salarié d’une l’association qui accepterait de couvrir des irrégularités et diverses fraudes aux subsides ne pourra pas invoquer la relation hiérarchique, ni la peur de perdre son emploi, pour s’exonérer de sa responsabilité pénale.  De même, un éducateur transportant des jeunes mineurs hébergés par un SAAE pourrait refuser de conduire un minibus qui présenterait de sérieux problèmes techniques susceptibles de compromettre sa sécurité et celle des passagers.  Le personnel soignant d’une maison de repos accueillant des personnes âgées, se rendrait complice de cas de maltraitance (la loi  ne se borne nullement aux seuls cas de violences physiques manifestes !) en ne dénonçant pas les faits. Il transgresserait à l’obligation d’assistance aux personnes en danger et à l’obligation de signalement aux autorités compétentes.

Enfin, certains travailleurs peuvent engager leur responsabilité pénale pour des infractions  spécifiques. Par exemple le conseiller en prévention psychosociale ou la personne de confiance qui est tenue au respect du secret professionnel.